Une étude récente montre que la présence des PDG sur les réseaux sociaux peut améliorer la réputation de l'entreprise, attirer les bons éléments et augmenter les ventes. Pour en savoir plus, j'ai rencontré Amy McIlwain, Directrice du secteur international chez Hootsuite. Amy est à la fois auteur, conférencière, utilisatrice chevronnée des réseaux sociaux et globe trotteur passionnée. Voici la transcription révisée de nos conversations téléphoniques et électroniques.
Joanna : Parlez-nous de vos récents voyages, déjà partagés sur Snap, Facebook, Twitter et LinkedIn.
Amy : J'ai parcouru la planète pour parler des recherches réalisées par Hootsuite avec LinkedIn. Nous voulions évaluer l'impact de l'usage des réseaux sociaux par les cadres supérieurs des services financiers sur la mobilisation des employés et le chiffre d'affaires de l'entreprise. Nos conclusions révèlent une amélioration de 40 % de l'implication des employés, exactement dans les mêmes proportions que celle du PDG ou des cadres. Nous avons constaté que les équipes commerciales qui s'impliquent dans les réseaux sociaux augmentent de 50 % leurs chances d'atteindre leur quota de ventes. Cette amélioration se répercute directement sur le chiffre d'affaires. Nous avons également constaté que les sociétés dont les cadres supérieurs, ou les PDG, s'investissaient dans les réseaux sociaux bénéficiaient globalement d'une meilleure image de marque sur le marché. Ces PDG « sociaux » attirent les talents et multiplient les ventes. Bien que cette étude ait été réalisée spécifiquement pour l'Australie, les principaux enseignements à en retirer sont valables dans le monde entier et concernent tous les secteurs d'activité, pas seulement les services financiers.
Joanna : Avez-vous des exemples de la manière dont les PDG qui souhaitent adopter une posture « sociale » peuvent commencer à exploiter les réseaux sociaux ?
Amy : Voici un exemple, alors qu'il venait d'être nommé à la tête d'une entreprise figurant au classement Fortune 500, ce tout nouveau PDG s'est vu félicité d'être désormais craint et vénéré. En entendant cela, il s'est dit qu'être craint n'était certainement pas son objectif. Il voulait changer cette image et se montrer plus ouvert, davantage en lien avec ses employés et ses collègues. Après avoir défini ses objectifs et sa vision de la marque, il a donc commencé à utiliser les réseaux sociaux. Il s'implique désormais en tant qu'influenceur sur LinkedIn et est très actif sur Twitter. Lui seul accède à son compte Twitter parce que c'est sa propre voix. Le fait qu'il soit un motard invétéré l'aide à se distinguer et, lorsqu'il participe à une course, il publie des photos. Cela le rend plus attachant et plus humain.
Joanna : A-t-il constaté une différence dans la manière dont les autres le perçoivent ?
Amy : Tout à fait. Lorsqu'il passe au bureau, on lui demande désormais de faire des selfies. Les employés sont très heureux de pouvoir l'approcher et le questionner sur ses voyages en moto. Son image attire les bons éléments et accentue l'implication des employés. Nous avons découvert que les employés qui s'impliquent dans les réseaux sociaux sont en général plus satisfaits de leur travail, ce qui réduit le renouvellement des effectifs.
Joanna : D'autres PDG utilisent-ils les réseaux sociaux ?
Tan Sri Anthony Francis « Tony » Fernandes (Tony Fernandes), PDG d'Air Asia, est l'un des plus célèbres. Lors d'une catastrophe aérienne, il a très vite géré la crise sur Twitter. Il s'est montré si humain qu'il est devenu un porte-parole célèbre, et représente désormais la société. Il pousse les gens à aimer « Tony », donc Air Asia. Richard Branson, PDG de Virgin, est un autre exemple de personnage très médiatique, également très actif sur les réseaux sociaux.
Joanna : Les PDG « sociaux » créent-ils leur propre contenu ou s'appuient-ils sur le travail d'autres personnes ?
Amy : Cela dépend des cas. Un PDG m'a un jour confié qu'à la fin d'une réunion, il prenait une photo et rédigeait un bref compte-rendu sur les participants et les sujets abordés, puis envoyait le tout à son équipe en charge des réseaux sociaux. Celle-ci reprend alors quelques déclarations et ses notes avant de publier l'article depuis son compte.
Joanna : En d'autres termes, les PDG fournissent le contenu brut que leurs collaborateurs révisent et peaufinent avant de le publier en leur nom. Qu'en est-il des services financiers ?
Amy : Chez l'un des cabinets de services financiers avec lesquels nous avons travaillé, 20 cadres supérieurs s'impliquaient sur les réseaux sociaux. Dans ce cas, l'équipe en charge des réseaux sociaux collabore avec les responsables de la communication de la société et ensemble, ils examinent le programme de la semaine pour en informer les cadres et les encourager à prendre des photos.
Joanna : Parlez-nous du processus d'habilitation des cadres pour les réseaux sociaux.
Amy : Le lancement d'un programme de « PDG social » comprend plusieurs phases…
Objectifs : Pour commencer, il est nécessaire de comprendre les différents objectifs du programme. Le but est-il de mettre en avant le contenu de l'entreprise ? D'accentuer l'image de leader d'opinion du PDG ? D'attirer des collaborateurs talentueux ? Ou d'humaniser l'image de la société ?
Mise en avant de la marque : avant de s'exposer sur les réseaux sociaux, les cadres doivent définir leur propre image, et voir comment celle-ci s'ancre dans la culture de l'entreprise et contribue à s'y identifier. Pensez à utiliser les mêmes portraits et biographies dans les divers profils, par exemple sur les sites Web de la société, comme sur LinkedIn et Twitter. Certains cabinets de services financiers, Wells Fargo par exemple, insèrent leur logo au bas de la photo de chaque profil. En effet, l'homogénéité contribue énormément à la notoriété de la marque.
Image personnelle : vous devez également bien définir le domaine de compétence du PDG et déterminer avec soin ce que vous voulez mettre en avant. En d'autres termes, quelle image sera renvoyée ? Dans mon cas, l'image renvoyée est celle d'une femme entrepreneur, créatrice de lien social et grande voyageuse. Tout ce que je publie tourne autour de ces trois thèmes. À moins de déguster une paella en Espagne, je ne publie pas la photo de mon repas. L'image se construit ici sur un thème très personnel et original. Mes voyages n'ont d'ailleurs rien à voir avec mon travail en tant que tel. Pour autant, c'est une part importante de mon identité, et ça donne une touche plus authentique et plus humaine à mes relations avec les clients, les prospects et les collaborateurs.
Propriété : précisez clairement, dès le départ, à qui appartient les comptes de réseaux sociaux. Demandez à votre équipe juridique de définir qui gère quoi. Ces comptes appartiennent-ils aux cadres ? Que deviennent leurs followers lorsqu'ils quittent la société ? Quelle est la procédure à suivre ?
Participants : identifiez le(s) cadre(s) à inclure dans le programme. Ce n'est pas toujours le PDG qui se lance le premier, alors bien connaître les cadres est essentiel. D'une manière générale, il est préférable de commencer par ceux qui utilisent déjà quelque peu les réseaux sociaux. Les directeurs financiers, par exemple, qui ont pour la plupart une formation en comptabilité, peuvent pour certains ne pas se sentir très à l'aise sous le feu des projecteurs. L'exercice peut sembler plus naturel à un commercial ou à un spécialiste du marketing.
Formation : assurez-vous de proposer une formation, et de définir les attentes à travers des lignes directrices. Les entreprises élaborent désormais des programmes de réseaux sociaux destinés à aider leurs cadres à devenir des porte-parole « sociaux », de la même façon que d'autres apprennent à leurs cadres supérieurs à s'adresser aux médias à travers des programmes de formation à la communication.
Contenu : déterminez qui sera chargé de créer le contenu. Est-ce le dirigeant lui-même ? Son équipe ? Qui en est membre ? Quelle sera la fréquence de publication ? Les communications des cadres supérieurs doivent être fluides. Plutôt que d'établir des calendriers éditoriaux, examinez les agendas du PDG et des cadres supérieurs. Découvrez qui ils doivent rencontrer et quels vont être leurs déplacements. Vous aurez ainsi une petite idée du type de contenu à publier.
Analyse et suivi : pour faciliter le déroulement des opérations, la procédure d'approbation, le suivi et l'analyse, vous aurez besoin de technologies et d'outils. Cela est d'autant plus vrai lorsque plusieurs personnes gèrent les comptes, ce qui est généralement le cas. Le PDG, les responsables de la communication de l'entreprise, un chargé de relations publiques extérieur, celui qui approuve le déroulement des opérations, un responsable des réseaux sociaux... tous doivent pouvoir accéder au même compte. La technologie permet de simplifier tout ça.
Joanna : Qu'en est-il des secteurs réglementés ? Quelqu'un doit-il d'abord approuver les tweets du PDG ?
Amy : Cette approbation préalable n'est pas forcément nécessaire puisque l'objectif n'est pas que le PDG parle des produits. Le but est qu'il parle de son mode de vie et qu'il tisse des liens. Pour les services financiers, on peut prendre l'exemple de Mark Casady, PDG et Président du conseil chez LPL Financial. Il rédige lui-même son propre contenu et reste bien à l'écart de toute discussion sur les produits ou les cotations en bourse. Il est aussi un grand fan des Chicago Cubs. Sur les réseaux sociaux, on peut le voir, une casquette sur la tête, assister au Championnat du monde de baseball, l'un des événements favoris des américains. Pendant toute une journée, il a même remplacé sa photo de couverture par une image de la victoire des Chicago Cubs. Cela le rend plus attachant et plus humain.
Joanna : Parlez-nous des réticences des équipes en charge de la conformité. Comment répondez-vous à ces objections ?
Amy : Impliquez l'équipe en charge de la conformité dès le début. Présentez-leur les avantages pour l'organisation. Le problème pour la conformité, c'est que l'on ne sait pas à quoi s'attendre. Pour atténuer leurs inquiétudes, commencez par expliquer les bonnes raisons de le faire. Expliquez-leur pourquoi la présence d'un certain cadre ou du PDG est nécessaire sur les réseaux sociaux, et pourquoi les risques en valent la chandelle. Énumérez les avantages en démontrant qu'ils l'emportent sur les risques potentiels. Expliquez-leur également quel type de contenu sera publié. Par exemple, rappelez-leur que le PDG ne publiera pas les rapports annuels, que son rôle est de donner un caractère plus humain à la société. Pour finir, décrivez les processus que vous envisagez de mettre en œuvre, et la technologie que vous allez déployer pour surveiller et gérer ce programme.
Ce blog a déjà fait l'objet d'une publication dans le magazine Forbes.